La lutte contre la fistule mobilise aussi les acteurs religieux, chrétiens comme musulmans engagés soit dans l’Alliance des Religieux pour la Santé intégrale et la Promotion de la Personne humaine (ARSIP) ou alors aux côtés de l’Association Ivoirienne pour le Bien-être familial (AIBEF). Claude Leganin Yaba est un religieux membre de l’équipe de de l’AIBEF Man dans laquelle il siège au titre de l’église catholique et du Forum des Eglises chrétiennes (FEC) dont il est le délégué adjoint.
Un premier engagement dans la lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF) avec l’Organisation Sainte Philomène de l'Espérance[1] a tout naturellement préparé Claude Leganin Yaba à s’intéresser à la lutte contre les fistules. Cet engagement est d’autant plus impérieux que les femmes qui souffrent de la pathologie de la fistule sont isolées, stigmatisées, traitées de sorcières et sont obligées pour certaines de vivre cachées, dans la pauvreté et la misère.
Ainsi, l’intégration de Claude dans l’équipe de soutien de l’AIBEF s’est faite sans problèmes. « En ma qualité d’animateur de radio sur les MGF, j’ai déjà eu à parcourir la région pour sensibiliser les femmes et les communautés sur l’excision. Cette expérience a été fort utile dans le travail contre la fistule. Cela m’a permis de détecter des cas de fistule dans les différents villages que nous avons parcourus. J’ai même eu à m’entretenir avec une dame qui est avec un groupe de femmes vivant avec la fistule, abandonnées et qui ont choisi de se regrouper dans un village, Biankouma.
En plus des tournées dans les villages, nous intervenons aussi lors des caravanes de réparation de la fistule et à l’hôpital auprès des femmes internées pour raison de fistule. « Dans le groupe mis en place par l’AIBEF que nous partageons avec les religieux musulmans, je suis aussi un conseiller spirituel. Quand je vais par exemple à l'hôpital, je rends visite aux femmes qui sont malades. Je prends un temps pour m'entretenir avec chacune d'elles, pour les conseiller, leur donner du courage face à la maladie, renforcer leur espoir d’une guérison et leur donner un peu de réconfort afin qu'elles ne se sentent pas délaissées. »
Les interventions du groupe touchent aussi le plaidoyer pour l’amélioration des conditions de séjour à l’hôpital lors des campagnes opératoires. Cela concerne la réhabilitation des toilettes du bloc hospitalier des femmes prises en charge, l’aménagement d’un préau pour permettre aux femmes de disposer d’un espace de repos, d’un espace pour faire la cuisine, faire leur linge et se reposer.
Mais, au-delà de l’aménagement de l’espace, il se pose surtout la question de la prise en charge des femmes, une fois, sorties de l’hôpital : « il faut faire le suivi, voire les aider à se réinsérer dans leurs communautés, les aider à trouver une activité génératrice de revenus. Souvent, les moyens financiers sont tellement dérisoires que c'est la lutte pour la survie et la nourriture », revèle-t-il avant de poursuivre: « Au plan psychologique, nous cherchons à redonner aux femmes leur dignité, et faire en sorte qu'elles ne soient plus l'objet de mépris, de cruauté de la communauté. Il faut les aider à guérir les blessures antérieures, les blessures émotionnelles, car tout n'est pas forcément médical. C’est là, le sens de notre accompagnement ».
L’autre dimension importante du travail de Claude Leganin Yaba concerne l’accompagnement des femmes guéries pour la mise en œuvre d’activités génératrices de revenus. En outre, il assure l’animation d’émissions à la radio de la communauté dans laquelle il intervient comme journaliste. « J’ai pris moi-même l'engagement en tant qu’homme de communication de pouvoir prolonger les actions de l'AIBEF à la radio. »
« J’anime une émission Au cœur de la foi qui parle des MGF, de la fistule. J’organise aussi des focus groupes avec l’Association des Femmes Catholiques (AFC) pour discuter de la santé de la reproduction, de la fistule et des MGF, même si cela n’est pas toujours facile compte tenu de la forte prévalence des MGF dans toutes les communautés, musulmanes comme chrétiennes et de la résistance pour changer les comportements. »
C’est dire qu’il y a, selon Claude Leganin Yaba, un important travail de communication qu’il faut mener pour progressivement lever les pesanteurs socioculturelles qui font que les MGF ainsi que la fistule continuent à impacter négativement la vie des femmes et des jeunes filles.
C’est avec force conviction que Claude Leganin Yaba fait le plaidoyer pour une utilisation plus intensive de la radio pour sensibiliser les communautés, surtout celles vivant dans des zones éloignées et difficiles d’accès.
[1] Cette ONG a pour mission de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des enfants vulnérables ainsi que des personnes démunies