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De la campagne à la stratégie nationale : vers une réponse systémique à la fistule obstétricale

De la campagne à la stratégie nationale : vers une réponse systémique à la fistule obstétricale

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De la campagne à la stratégie nationale : vers une réponse systémique à la fistule obstétricale

calendar_today 23 Mai 2025

Une réunion officielle se tient autour d’une grande table rectangulaire, réunissant une vingtaine de participants, principalement des hommes en costume, ainsi qu’une femme en tenue traditionnelle au centre. La réunion se déroule dans une salle lumineuse avec une grande baie vitrée donnant sur des plantes tropicales.
Une partie des experts dans une session spéciale en marge de la rencontre régionale de partage d'expérience

Abidjan, 23 mai 2025 –  Au-delà des opérations chirurgicales menées dans cinq hôpitaux de Côte d’Ivoire, c’est une réflexion de fond sur la pérennité des soins qui a animé la deuxième campagne régionale de lutte contre la fistule obstétricale organisée par l’UNFPA et le gouvernement ivoirien. Réunis à Abidjan, des chirurgiens de haut niveau, des responsables académiques et des experts en santé publique de dix pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont insisté sur un point clé : la nécessité d’intégrer la prise en charge des fistules obstétricales dans les services de santé courants pour garantir un accès équitable aux soins, notamment pour les femmes les plus pauvres, sans devoir attendre les campagnes opératoires.

Ce plaidoyer pour une réponse systémique s’est accompagné d’échanges techniques et universitaires sur la formation des professionnels de santé, la standardisation des protocoles et l’harmonisation des pratiques entre pays. À leurs côtés, 169 femmes ont été opérées gratuitement par une équipe de 40 chirurgiens, dont 16 venus de la sous-région, dans une dynamique de coopération Sud-Sud soutenue par l’UNFPA avec l’appui de la KOICA.

« Les activités chirurgicales se sont très bien passées, avec des cas très très difficiles qui ont été pris en charge par des experts au niveau de chaque site », a expliqué le Professeur Serigne Magueye Gueye, urologue sénégalais et consultant pour l’UNFPA.

Cette campagne a été l’occasion de renforcer les échanges entre pays, d’harmoniser les pratiques et de réfléchir aux moyens d’intégrer durablement la prise en charge de la fistule dans les systèmes de santé nationaux.

« Ce qui est plus intéressant encore, c'est ce partage d'expérience qui nous a réunis à Abidjan. Les différents pays ont présenté leurs expériences, surtout dans la perspective de la prise en charge en routine des cas de fistules obstétricales », a ajouté Pr Gueye.

Une approche intégrée au cœur du mandat de l’UNFPA

La fistule obstétricale est l’une des formes les plus graves de morbidité maternelle. Elle touche des femmes souvent très jeunes, vivant dans des zones rurales, peu ou pas scolarisées, et privées d’accès aux soins obstétricaux d’urgence. Son impact est à la fois physique, social et psychologique.

Pour Dr Zalha Assoumana, gynécologue-obstétricienne et Représentante de l’UNFPA en Guinée-Bissau, cette problématique résume l’ensemble des priorités de l’agence :

« Quand on parle de lutte contre la fistule obstétricale, on parle aussi de lutte contre les mariages des enfants, contre les mutilations génitales féminines, on parle aussi de l'accès des femmes aux services de qualité, et on parle d'autonomisation des femmes. »

Selon Dr Zalha : « La majorité des femmes qui vivent avec les fistules obstétricales sont non-scolarisées et vivent le plus souvent en milieu rural, alors que les soins se trouvent en milieu urbain. [...] Avec cette intégration dans les curricula de formation, ça va permettre vraiment aux femmes à tous les niveaux d'accéder au service. »

Elle a également souligné l’importance du partage de savoir-faire entre pays :

« Nous avons vu que les pays ne sont pas tous au même niveau. Il y en a qui ont déjà commencé la prise en charge en routine, d'autres qui sont toujours dans les campagnes. »

Dr Zalha et Professeur Serigne Maguèye-Gueye durant une session de la rencontre de partage d'expérience

De la campagne à la prise en charge systémique

Certains pays comme le Niger adoptent déjà des approches combinées.

« Nous avons un Centre National de Référence qui assure la prise en charge. [...] Toutefois et parallèlement, nous avons couplé la prise en charge en routine à la prise en charge en campagne. [...] Il n'y a pas une stratégie en soi qui soit bien ou pas, mais chaque stratégie doit permettre aux femmes d'avoir accès à la prise en charge », a expliqué Dr Abdoulaye Idrissa, chirurgien-urologue et directeur du centre.

Plusieurs participants ont insisté sur la nécessité d’institutionnaliser les compétences. Des échanges techniques ont eu lieu à Abidjan entre responsables académiques, avec un objectif : intégrer la réparation de la fistule dans les cursus de base en médecine, chirurgie, urologie et obstétrique.

« Nous avons échangé sur comment intégrer ces formations sans perturber la structure des curricula actuels et sans augmenter le quantum horaire », a précisé Pr Gueye, en présence de doyens de facultés de médecine de la sous-région.

Le Professeur Noël Coulibaly, maître de conférences à l’UFR SMA de l’Université Félix Houphouët-Boigny, a insisté sur l’importance d’attirer les jeunes professionnels :

« Les échanges avec les équipes des autres pays ont permis de se projeter et de réfléchir sur l’attitude à adopter pour la pérennisation de la lutte contre la fistule obstétricale. [...] Cette rencontre doit permettre de susciter un intérêt de la part des étudiants en sciences de la santé pour la chirurgie. »

Une cause partagée, un calendrier commun

Les intervenants ont réaffirmé la nécessité d’un engagement politique fort. Comme l’a souligné le Dr Assoumana en conclusion :

« Chacun de nous a un rôle à jouer, afin que d’ici 2030, aucune femme ne soit encore victime de ce fléau, qui les meurtrit dans leur chair. »

Les discussions se poursuivront dans les mois à venir pour traduire les engagements en actions concrètes : renforcement des capacités nationales, mobilisation de financements, standardisation des protocoles de prise en charge, et accompagnement psychosocial post-opératoire. À Abidjan, le ton est donné : la lutte contre la fistule est une priorité de santé publique, de droits humains, et de dignité