Côte d’Ivoire, 22 mai 2025 – Dans les blocs opératoires de Bouaké, Bondoukou, Korhogo, Man et Bodo, 169 femmes ont retrouvé espoir et dignité. Elles ont bénéficié d’une prise en charge chirurgicale gratuite dans le cadre d’une campagne opératoire régionale soutenue par l’UNFPA et ses partenaires. Une opération qui dépasse les chiffres : elle incarne une promesse tenue envers des femmes longtemps réduites au silence.
La fistule obstétricale, complication grave et évitable liée à un accouchement prolongé sans soins appropriés, continue d’affecter environ 1 % des femmes en âge de procréer en Côte d’Ivoire – soit près de 70 000 femmes, souvent jeunes, isolées, et exclues de la vie sociale.
Un engagement régional coordonné par le Ministère de la Santé, le Ministère de la Femme et l’UNFPA
Pour répondre à ce fléau, le ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture Maladie Universelle et le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant ont organisé, en partenariat avec l’UNFPA et la KOICA, la deuxième édition de la Conférence régionale sur la fistule obstétricale. L’une de ses principales composantes : une campagne chirurgicale régionale d’envergure.
Au total, 40 spécialistes (gynécologues, urologues et chirurgiens) ont été mobilisés, dont 19 médecins nationaux et 16 médecins internationaux provenant de 10 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Gambie, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. Aux côtés de ces experts, 45 prestataires de santé ivoiriens ont assuré la prévention, le suivi médical et le soutien psychosocial des patientes avant et après leur intervention.
L’objectif initial de 150 femmes opérées a été dépassé, avec 169 patientes prises en charge, dont 128 cas complexes (soit plus de 75 %). Cette performance témoigne du haut niveau d’expertise mobilisé, de l’engagement du personnel soignant et de la forte implication des équipes locales.
Mme la Ministre Nassénéba Toure, Ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant lors de son intervention durant la rencontre de partage d’expérience
À l’issue de la mission, une rencontre Sud-Sud et triangulaire pour l'élimination de la fistule obstétricale, et de capitalisation a rassemblé les professionnels de santé impliqués pour partager leurs expériences, identifier les bonnes pratiques et renforcer les synergies en matière de prise en charge de la fistule obstétricale. Cette rencontre a été officiellement ouverte par la ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, Nassénéba Touré, qui a salué l’engagement régional :
« Votre présence distinguée à cet événement témoigne de votre adhésion totale au thème de cette conférence : ‘la nécessité de privilégier le partenariat, la coopération Sud-Sud et triangulaire pour l’élimination de la fistule obstétricale à l’horizon 2030’... C’est pourquoi, il est crucial de poursuivre les approches de prévention et de prise en charge, en privilégiant un partenariat élargi d’abord entre pays africains, tout en maintenant une coopération étroite avec les pays qui disposent déjà d’une expérience avéré en la matière »
Mme Cécile Compaoré Zoungrana intervenant lors de la rencontre de partage d’expérience
Mme Cécile Compaoré Zoungrana, Représentante résidente de l’UNFPA en Côte d’Ivoire, a tout d’abord salué l’engagement de la ministre en faveur des droits des femmes :
« Merci de vos actions qui font bouger les lignes des inégalités envers les femmes avec un recul substantiel des déterminants de la fistule obstétricale que sont les mariages précoces et les mutilations génitales. En effet les taux sont respectivement passés de 32% et 36% en 2016 à 29% et 23% en 2021 au niveau national. Par ce combat, Mme la Ministre, vous devenez une championne de l’élimination de la fistule obstétricale en Côte d’Ivoire et en Afrique. »
Poursuivant son intervention, Mme Compaoré Zoungrana a également réaffirmé l’engagement de l’UNFPA à accompagner les efforts nationaux pour éradiquer cette condition évitable :
“Nous sommes réunis ici non seulement par devoir professionnel, mais aussi par responsabilité morale : celle de garantir à chaque femme, où qu’elle se trouve, le droit fondamental à des soins de qualité, à la protection pendant la maternité, et à une vie digne après l’accouchement.”
Derrière chaque opération, une renaissance
Ces interventions sont bien plus que des actes médicaux, elles marquent également la fin de longues années de solitude et de souffrance pour des femmes comme Marie Laure, qui témoigne :
“Ce n’était pas facile. Mais aujourd’hui, je suis guérie, je suis en pleine forme. C’est important, très important qu’on trouve les moyens pour aider celles qui vivent encore ça.”
Solange, opérée lors d’une précédente campagne UNFPA après 29 ans de vie avec une fistule, se souvient du poids de l’ignorance :
“Je croyais que j’étais la seule, que c’était une malédiction. Pendant 29 ans, je vivais dans le silence. Et le jour où j’ai entendu le mot ‘fistule’, c’était aussi le jour où j’ai retrouvé la guérison.”
D'autres, comme Kouassi Akissi, ont transformé cette épreuve en vocation :
“J’ai voulu devenir aide-soignante. Je vais aller sensibiliser pour ne pas que mes sœurs ou mes mamans aient ce même cas. C’est pour ça que j’ai aimé la médecine.”
L’expertise au service des plus vulnérables
Dr Zalha lors de son intervention
Parmi les médecins internationaux ayant participé à la mission, Dr Zalha Assoumana, Représentante du Bureau UNFPA en Guinée-Bissau et gynécologue-obstétricienne, a mobilisé et coordonné la participation de chirurgiens de la région, en assurant la supervision des pratiques opératoires et en veillant au respect des bonnes pratiques.
« Quand on parle de lutte contre la fistule obstétricale, on parle aussi de lutte contre les mariages des enfants, on parle de lutte contre les MGF, on parle aussi de l'accès des femmes aux services de qualité, et on parle d'autonomisation des femmes. Donc, tout ça réuni, ça ne fait que nous galvaniser dans ce que nous sommes en train de faire tous les jours, c'est-à-dire supporter le gouvernement afin de réduire la mortalité maternelle et la mortalité liée à la fistule obstétricale. »
Professeur Serigne Maguèye-Gueye lors de son intervention
Pour Professeur Serigne Maguèye-Gueye, chirurgien-urologue, membre de l’équipe sénégalaise, la mission a aussi été un moment de renforcement des compétences collectives :
“J'ai été très satisfait de voir que beaucoup d'efforts ont été faits au niveau de chaque pays. Et l'ultime objectif, c'est qu'on arrive à éliminer la fuite obstétrique dans nos différents pays. Pour y arriver, il faut que nous rendions beaucoup plus efficaces les stratégies de prévention afin qu'il y ait de moins en moins de nouveaux cas, ou bien que nous puissions intensifier, augmenter le nombre de cas opérés, et pour cela, il faudrait que nous puissions former le plus grand nombre de prestataires, pour opérer les femmes de façon routinière, au lieu de les faire attendre pour des campagnes qui sont de plus en plus difficiles à organiser.”
En route vers l’élimination d’ici 2030
À l’horizon 2030, l’objectif est clair : éliminer la fistule obstétricale. L’UNFPA continuera à jouer un rôle moteur dans cette lutte, en soutenant les systèmes de santé, en renforçant la prévention, et en accompagnant la réinsertion sociale des femmes opérées.
Chaque campagne prouve qu’investir dans la santé des femmes, c’est redonner vie, dignité et avenir à celles qui en ont été privées. Pour celà, une campagne de mobilisation des fonds est lancée le 25 mai 2025 sous le leadership du Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant pour engager les citoyens, les entreprises et les décideurs à apporter des donations pour le renforcement de la prise en charge des femmes porteuses de fistule obstétricale en Côte d’Ivoire.