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 « Parmi les femmes ayant survécu à la fistule, on retrouve environ 49% de filles tombées enceintes alors qu’elles étaient encore physiquement immatures, comme A.M. Après avoir été donnée en mariage étant enfant, A.M est tombée enceinte à l’âge de 13 ans et a développé une fistule à la suite d’un accouchement dystocique. A.M est devenue incontinente et s’est retrouvée livrée à elle-même après avoir été stigmatisée et abandonnée par son mari et sa famille ».

Le cas d’A.M résume le drame que vivent les femmes et filles victimes de la fistule obstétricale. Un trou entre le vagin et la vessie ou entre le vagin et le rectum. Cette   communication anormale est causée par un travail prolongé avant l’accouchement, en l'absence de soins médicaux adéquats. Dans la plupart des cas, chez la mère, il s’en suit un écoulement permanant d’urine et/ou selles par le vagin.

Le nouveau-né ne survit pas, celui qui survit traine avec lui des handicaps liés au développement mental du fait l’amenuisement d’oxygène pendant le long travail d’accouchement.

 

Le poids des normes sociales

Dans le monde entier, l’UNFPA estime à plus de 2 millions de femmes et de filles qui vivent encore avec cette maladie. Chaque année, les nouveaux cas de fistule sont estimés de 50 000 à 100 000 cas. Chaque jour, plus de 800 femmes meurent de complications liées à la grossesse. Pour chaque femme qui meurt, 20 ou plus sont blessées ou handicapées. Et l'une des blessures les plus graves de la maternité est hélas la fistule obstétricale.  Malheureusement, la plupart des femmes et des filles vivant avec une fistule ne recevront jamais de traitement en raison du manque de service et/ou de système de recrutement efficace.

Dans la vie sociale, beaucoup de femmes et de filles qui souffrent de la fistule sont exclues de la vie communautaire quotidienne et abandonnées à leur sort par leurs maris et leurs familles. Elles vivent avec le poids de l’isolement social et émotionnel les privant ainsi de source de revenu et de leur droit d’appartenance à la communauté. Elles vivent cachées.

Pourtant, cette situation est évitable et dans la plupart des cas, elle peut être réparée chirurgicalement.

La présence de la fistule dans les pays en développement reflète d’une part le poids des normes sociales traduit par les inégalités du genre, le manque de pouvoir de décision chez la fille/femme et d’autre part la défaillance des systèmes de santé. Cela constitue un symbole tragique de l’injustice et de l’iniquité sociale à travers le monde. Qu’en sont les facteurs de risque ? Les pratiques traditionnelles néfastes telles que l’excision, les accouchements à domicile, les mariages et grossesses précoces sont quelques-uns des facteurs de risque de cette maladie dite « maladie de la honte ».

 

Action UNFPA : 100 000 femmes victimes traitées et guéries

En Côte d’Ivoire la prévalence des fistules obstétricales a été estimée à plus de 9424 cas avec plus de 250 nouveaux cas chaque année. Depuis 2003, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) et ses partenaires, ont initié la campagne mondiale pour éliminer les fistules. Ceci a permis de traiter près de 100 000 femmes victimes de fistule, les guérissant de leurs blessures physiques et psychologiques.

Depuis 2007, le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique et l’UNFPA Côte d’Ivoire ont mis en place un projet dénommé « prévention et prise en charge des fistules obstétricales ». Il a débuté à Man en 2007. Depuis 2012 l’Agence Internationale de Coopération Coréenne (Koica), cofinance avec l’UNFPA et le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique (MSHP) toutes les activités dudit projet. Conséquence, le projet a permis la réhabilitation et l’équipement de centres de prise en charge des fistules obstétricales sur toute l’étendue du territoire mais aussi le renforcement des capacités de prestataires de services.

Ainsi, sept centres de prise en charge (Man, Korhogo, Gagnoa, Séguéla, Bondoukou, San Pedro, Bouaké) des fistules obstétricales repartis sur l’étendue du territoire dont un centre national à Bouaké sont fonctionnels.

Un total de 128 médecins chirurgiens et gynécologues ont été formés pour la prise en charge chirurgicale. Aux stratégies de formation du personnel et prise en charge des porteuses de fistule, s’ajoutent des stratégies innovantes comme la réorganisation des services de santé, l’école des maris pour l’implication masculine dans la promotion de la santé et la distribution à base communautaire des produits contraceptifs.

 

Un taux de guérison de 77%

Dans ces centres, de 2007 à fin décembre 2017, 24 caravanes opératoires ont été régulièrement organisées. En outre la prise en charge de routine a permis d’opérer 2834 femmes (soit une moyenne de 236 femmes par an). Ces interventions sont couronnées d’un taux global (cas complexes et simples, première et deuxième intention) de guérison de 77%.

Ces femmes guéries sont accompagnées dans un processus de réinsertion socio-économique. Elles identifient les activités qu’elles veulent mener et bénéficient d’un renforcement de capacité en gestion. Cela leur permet de mettre en oeuvre efficacement des activités génératrices de revenu. Elles réintègrent la communauté.

Elles retrouvent leur foyer ou se remarient. Elles deviennent ainsi des ambassadrices qui favorisent la sensibilisation et le recrutement des porteuses de fistule afin de bénéficier du traitement.

 

Un long chemin reste à parcourir

Pour autant, les statistiques à l’UNFPA ont permis de constater qu’un long chemin reste à parcourir : le nombre de cas pourrait s’élever entre 6000 et 18.000 cas selon un modèle récent d’estimation. Au rythme actuel de 236 interventions par an, il faudrait 26 à 77 ans pour traiter les anciens cas.

Pour booster le dispositif de prise en charge, les experts de l’UNFPA pensent qu’il faudrait que les fistules obstétricales fassent partie du paquet minimum d’activités au niveau du district sanitaire. Et qu’un effort particulier soit fait pour traiter les fistules le plus vite possible avant que les victimes ne soient exclues de la communauté. 

 « Il est temps que nous mettions fin aux souffrances inutiles provoquées par la fistule, en accord avec le Programme 2030 et les objectifs de développement durable », disait la Directrice exécutive de l’UNFPA dans son discours relatif à la Journée Internationale de la fin de la fistule obstétricale. Selon elle « Engageons-nous à venir en aide aux personnes les plus défavorisées en priorité et à garantir le respect des droits fondamentaux, le bien-être et la dignité pour toutes et tous. » À l’UNFPA, a-t-elle promis, « nous nous engageons à éliminer la fistule en l’espace d’une génération » et « appelons la communauté internationale à se joindre à nous dans le cadre de cet effort décisif. »