Entourée de ces deux filles, toutes trentenaires (36 et 34 ans) et de ses petits-enfants, Konan Aya Juliette est souriante et épanouie. À 59 ans, elle a passé la moitié de sa vie recluse, souffrant d’une fistule contractée lors de sa cinquième grossesse en 1992.
Un accouchement long et très difficile selon ses termes, dans un village pas loin du campement dans lequel elle vivait à Divo, à quelques 280 kms de Bouaké. Une fois rentrée chez elle, après l’accouchement, elle a constaté l’écoulement des urines. Elle a eu la fistule dans un campement près de Divo. Elle est par la suite partie de là-bas pour s’installer dans un village à Koissi Koissi. « Puisque l’accouchement avait été très difficile et que je n’avais pas d’argent, je ne suis pas retournée à l’hôpital pour le signaler. », affirme-t-elle.
Par pudeur, Konan Aya Juliette n’a pas voulu, devant ses filles, ses petits-enfants et des visiteurs, s’étendre sur les 30 années durant lesquelles elle a vécu avec la fistule. « C’ÉTAIT TRES DIFFICILE. » Après des tentatives infructueuses de soins auprès des tradipraticiens, Konan Aya Juliette baisse les bras pour vivre seule avec la fistule « JE NE VIVAIS PLUS. »
Isolement, souffrance, pauvreté, frustration rythment la vie de Konan Aya Juliette. La fistule finit par se confondre avec sa vie. Elle s’était résignée à mourir avec la fistule. La fistule a été internalisée, elle est sa vie.
L’errance d’Aya Konan Juliette pour se débarrasser de la fistule a pris fin lorsqu’elle a fait part de sa maladie à une parente qui travaille dans une structure de santé. De fil en aiguille, Aya Konan Juliette a pu obtenir un rendez-vous à Bouaké. Accompagnée de sa fille qui l’avait accueillie dans sa maison, Aya Konan Juliette est auscultée et par la suite référée au CHU de Bouaké. Les prestataires de soins se sont étonnés qu’elle soit restée pendant tout ce temps avec la fistule sans se renseigner, sans venir à l’hôpital pour se soigner. Ayant obtenu un rendez-vous pour suivre un traitement de quelques mois, Aya Konan Juliette a été appelée par la suite pour l’opération. La réparation a réussi et Konan Aya Juliette a pu rentrer chez elle après sa convalescence pour fêter, en famille, son retour à la vie.
Les 30 ans de sa vie qu’elle a passés avec la fistule sont derrière elle. C’est comme si Konan Aya Juliette voulait faire l’impasse sur cette période de sa vie, l’effacer de sa mémoire.
Comme pour rattraper le temps qu’elles n’ont pas passé avec leur mère, les deux sœurs la regardent avec affection, la couvent des yeux comme pour lui dire quel être exceptionnellement courageux elle a pu être. Sa fille se rappelle : « Ma mère était contente et nous aussi, nous étions aussi très contents parce qu’elle en avait fini avec la maladie. Nous avons organisé un festin pour célébrer sa guérison. »
Depuis, ce jour, la vie de Konan Aya Juliette a changé. « Elle est devenue souriante, épanouie. Elle a commencé une nouvelle vie et s’est même remariée, avec un monsieur qui la voulait avant même qu’elle ne guérisse. Aujourd’hui, elle préfère se concentrer sur sa nouvelle vie, avec ses enfants, petits-enfants, son mari et son commerce de bois mort et de charbon.
Photo de Aya Juliette, ses filles et ses petits enfants
En Côte d’Ivoire, la prise en charge de la fistule obstétricale est réalisé dans le cadre d’un projet tripartite entre le ministère de la Santé, de l’Hygiène Publique et de la Couverture Maladie Universelle, l’UNFPA et l’Agence Coréenne de Coopération Internationale (KOICA). Depuis 2012, la KOICA a investi plus de 16 millions de dollars USD dans la prévention, la prise en charge et la réinsertion des femmes guéries de fistule obstétricale en Côte d’Ivoire.